– Radio trottoir
Une silhouette impossible à rater. La démarche lente mais assurée, les mains occupées à manipuler une petite boule qui imite la planète Terre. Sur elle, chaque élément semble raconter une histoire : collier clinquant, cravate rouge, pantalon rayé, lunettes dorées, couronne improvisée… et ces sacs gonflés de couleurs et de symboles. Elle avance dans son monde, insensible au flux des passants. À deux pas, une jeune femme, concentrée sur son téléphone, ne lève pas les yeux.
[Générique – bruits de roues de valises, pigeons, et un soupçon de clavecin cosmique]
COSIMA (voix grave, posée)
Chers Terriens — et autres passants de l’univers sensible — bonjour.
Aujourd’hui, notre émission s’installe en orbite basse, entre un fourgon blanc, un camion jaune et un grand magasin dédié à L’Homme.
Nous sommes au cœur du tissu social, au ras du sol, là où s’écrivent les vraies chroniques de l’humanité : les trottoirs.
(bruit de micro manipulé – petit grelot de globe qui tinte)
Première question :
“Est-ce que vous vous sentez écouté dans l’espace public ?”
Nous tendons le micro à un homme en costume qui passe trop vite pour répondre.
(Silence. Puis Cosima reprend.)
C’est non. Très bien. Analyse : 8 secondes de silence pour dire le fond des choses. On respecte.
Deuxième tentative : une jeune femme, lunettes noires, écouteurs, sac en bandoulière.
COSIMA
Excusez-moi, madame ! Radio Globale Libre, en direct — une question simple :
“Si ce trottoir était une île, vous y resteriez combien de temps ?”
(La passante lève un pouce, sourit, s’en va.)
Un pouce levé ! C’est une réponse. Nous traduirons ça comme un "peut-être optimiste".
La diplomatie du bitume progresse.
(Bruit de pas. Puis Cosima chuchote.)
Ah… voilà notre invité surprise du jour. Il a une sacoche, une cravate orange et un air de ne pas avoir dormi depuis deux gouvernements.
COSIMA (à l’homme)
Monsieur, une question importante :
“Si le monde tenait dans ce globe (elle montre son micro), vous le secoueriez ou vous le poseriez doucement ?”
L’HOMME (sourire en coin)
Je l’éteindrais cinq minutes. Histoire de respirer.
COSIMA (à l’antenne)
Réponse fulgurante. Mes chers auditeurs, vous l’aurez entendu : parfois, il suffit d’une coupure.
[Générique de fin – bruit de fermeture éclair, cloche d’école au loin]
À demain.
Et souvenez-vous : si vous avez mis un pied dehors, vous êtes déjà dans l’émission.