
– Enfin libre ?
Ce matin-là, le vent était encore doux, malgré l’automne qui s’installait. Élisabeth s’était réveillée avec une pensée qui n’avait cessé de grandir en elle ces derniers mois. D’abord vague, informe, comme un murmure lointain, puis plus insistante, jusqu’à devenir une certitude.
Elle ne prendrait pas son café du vendredi. Pas comme avant. Pas dans ce silence intérieur qui l’avait trop longtemps accompagnée.
D’habitude, elle commandait un allongé, posait distraitement ses clés sur la table et laissait ses pensées dériver. Ce n’était pas un rituel, plutôt une habitude, une façon d’occuper une heure creuse avant de rentrer dans son petit appartement où l’attendait Étienne, avec ses mots mesurés, son regard terne, son affection polie.
Mais ce matin, elle était sortie plus tôt, et elle avait choisi sa tenue avec soin. La jupe rouge qu’elle réservait aux occasions particulières, le gilet violet qu’elle n’avait pas porté depuis des années, et surtout ces chaussures dorées qu’elle avait achetées sur un coup de tête, sans jamais oser les mettre.
Quand elle s’était regardée dans le miroir, elle avait esquissé un sourire. Quelque chose en elle se réveillait.
Elle s’était installée en terrasse, face à la rue, mais cette fois, elle ne regardait pas dans le vide. Elle voyait autre chose. Un ailleurs. La mer, le soleil sur sa peau, une existence où chaque geste ne serait plus mécanique, où elle n’aurait pas à répondre aux questions trop prévisibles d’Étienne sur le dîner du soir.
Elle avait décidé. Une décision qu’on ne prend qu’une fois dans sa vie.
Elle n’avait pas emporté son téléphone. Juste son sac, un peu d’argent liquide, et un billet de train réservé la veille.
Le train partait dans deux heures.
Elle prit une gorgée de son café.
Aujourd’hui, ce serait le premier jour de liberté.