– Un instant de repos - Shanghaï
Shanghai, un après-midi comme tant d’autres. Les charrettes sont rangées le long de la rambarde, prêtes pour la prochaine course. En attendant, on s’installe. L’un s’étire et ferme presque les yeux, un autre lance une remarque, le troisième éclate de rire. La ville bourdonne autour d’eux, mais ici, on prend juste le temps de souffler.
« Je pourrais fermer les yeux. Juste cinq minutes. Pas dormir, non, juste me poser.
Ils causent, là, derrière. Ils rigolent fort. C’est bien. Ça fait du bien d’entendre des voix légères.
Zhang parle toujours trop, mais aujourd’hui, ça me gêne pas. Il a raison, c’était un bon coup ce contrat de livraison, trois allers-retours seulement, et on a déjà rempli la moitié de la journée.
Putain que mes jambes sont lourdes.
J’ai encore ce foutu dérailleur à réparer sur le vélo. Il grince dès que je freine. Je le ferai ce soir. Ou demain matin, si je me lève assez tôt.
Le gosse a eu son contrôle aujourd’hui. Est-ce qu’il a pensé à emporter le stylo que je lui ai offert ? Celui avec le petit dragon rouge ?
Il me manque. Merde, ils me manquent tous. Mais faut pas penser à ça maintenant.
Je suis bien, là. Allongé comme un roi sur mon trône en ferraille. La ville peut faire ce qu’elle veut.
Le soleil tape, mais le tissu du sac me cale bien le dos.
Il y a ce type, là-bas, avec un appareil photo. Il croit que je l’ai pas vu ? Je le vois. Il fait attention, il s’accroupit même.
Il a pas l’air con. Peut-être qu’il a compris que ça, c’est notre pause, notre moment. Pas une scène pour touristes. Juste nous, en train de souffler.
Je vais pas bouger.
Je vais rester là encore un peu.
Et après, je reprendrai la route. »